« L’espace des phases »
Exposition du 5 au 30 novembre 2024 – Vernissage mardi 5 novembre de 18h à 21h
« L’espace des phases d’un système est l’espace mathématique dans lequel tous les états possibles du système sont représentés »
Un espace des phases permet la représentation de l’évolution de systèmes pendant une durée : tous leurs états successifs sont simultanément accessibles au regard.
Pour sa première exposition personnelle à Paris, Gabrielle Herveet transforme la Galerie du Haut-pavé en un « espace des phases » dans lequel ses pièces, sculptures, dessins et calendriers, jouent de métamorphoses, de mythologies et de mathématiques. Elle propose un ensemble onirique et sensible, entre approche scientifique, références archéologiques et résidus de paysages réels ou imaginaires.
Le rivage, lieu primordial
Le rivage, espace primordial de la vie de Gabrielle Herveet comme de son travail, est vu comme une ruine perpétuelle, un état de présent toujours naissant et se recomposant.
L’ensemble présenté ici est issu de milliers de promenades, de quêtes, de rêves et de baignades et présente les résultats de son lien puissant et quotidien à l’estuaire jouxtant son atelier.
L’espace des phases est une exposition de résidus : de rivages, de regards, de matériaux laissés par le fleuve. Elle pose la question du reste et du souvenir, de la persistance des objets, des symboles, et des connaissances à travers les âges.
Gabrielle Herveet aime « ouvrir le temps », en décortiquer les mécanismes, les mettre en forme et les donner à voir. Patiemment, à longueur de répétitions, elle questionne les processus lents et naturels qui font notre monde, sa fragilité comme sa permanence.
Calendrier et espaces communs
Nos représentations du temps sont issues d’une longue histoire, mêlant phénomènes naturels, astronomiques et mathématiques. Les calendriers en sont le résultat, ce sont des faits de civilisation qui sédimentent coutumes, croyances et usages. Ce sont aussi des formes symboliques qui permettent à leurs « habitants temporels » de faire société, de se déplacer dans un temps commun comme il est possible de le faire dans l’espace.
Les pièces-calendriers de Gabrielle Herveet permettent de se projeter dans le passé et dans le futur, tout en se situant dans notre présent.
Elles ré-activent des cycles oubliés, des souvenirs d’astres.
L’espace des phases devient l’espace où des phénomènes naturels et répétitifs, immanents et rémanents sont mis en forme et s’activent : les rapports entre année lunaire et année solaire, la précession des équinoxes, l’érosion d’un fleuve ou la périodicité des éclipses…
L’artiste fait se rassembler des millions années, des millénaires, des siècles, des décennies, des années, des minutes et des secondes.
Phases animales
Les phases animales ne sont pas absentes : la vue en coupe de la croissance d’un fleuve devient plumage d’un grand rapace, les gastéropodes positionnés sur de la soie rappellent une peau d’alligator, la branche recouverte d’ardoise semble se mouvoir comme un serpent… L’artiste joue des métamorphoses, des semblants, des attributs animaux, ailes, peau, écailles, plumes, qui sont utilisés dans des objets décoratifs ou rituels depuis des millénaires. Entités marines ou aériennes, fusion entre minéral, animal et végétal, c’est bien de mythologies dont il est question ici : la séparation entre les ordres du monde n’est pas effective, chaque chose pouvant se transformer en une autre.Pour l’artiste, les œuvres d’art sont agencements temporaires de matière, soustraite ou empruntée à des cycles plus grands. La vie et la mort des choses comme des êtres sont latents.
Les phases de la lune et nos regards
L’espace des phases pourrait aussi être l’endroit où les phases de la lune peuvent s’accumuler, se mélanger. Ces phases lunaires, qui ne sont qu’interactions entre rayons du soleil et forme sphérique, relèvent de l’immatériel, d’une perception d’yeux humains sur un instant naturel. C’est bien ici où se trouve le lieu de la fascination de l’artiste, son moteur créatif : des perceptions qui découpent, font sens, symbolisent. Par le regard, la nature devient nombre, mesure, singularité, métronome de nos existences depuis la nuit des temps.
Gabrielle Herveet réussit à nous faire approcher l’infiniment grand et le très petit, l’intime et l’univers, l’instant et le millénaire.
Marie-Sidonie Le Clec’h